Olive au bout du rêve rock français
Mort à 50 ans du leader du groupe Lili Drop, figure des années 80.
par Ludovic PERRIN
QUOTIDIEN : jeudi 19 janvier 2006
Jean-Louis Aubert lui avait dédié son dernier album. Sans Olive, mort dans la nuit de lundi d'une tuberculose à la Pitié-Salpêtrière, le chanteur de Téléphone n'aurait pas eu la même carrière. Ni pris les mêmes risques. Olive l'avait initié aux voyages, aux communautés hippies, aux drogues et à toutes les conneries que peuvent faire deux anciens scouts. Ensemble, ils avaient découvert les Who (Tommy, au théâtre des Champs-Elysées), traversé les Etats-Unis en stop, connu des filles et des sectes, monté le groupe Masturbation, répété avec Antoine de Caunes (alors batteur) et lancé les bases de Téléphone.
«Enfantin et hyperfragile». Né le 4 décembre 1955 à Londres, Olivier Caudron a très tôt dansé au bord du gouffre. On le disait ingérable. Il fut un lien fort de la scène rock française, une sorte de passerelle. Et sa voix, fluide, innocente, juvénile était juste comme son teint pâle : au plus près de lui. Un gamin élevé par ses grands-parents maternels, qui croisa à 20 ans seulement son père, paraît-il un Vietnamien légèrement barbouze. Sa mère, elle, était étalagiste décoratrice chez Hermès. Le week-end, ils quittaient leurs bords de Seine à Neuilly (Bagatelle). Elle emmenait son fils sur une péniche d'amis, avec carabines et guitares flamencas. Elle lui enseignait le piano. Or c'est la guitare qui l'a emporté.
La meilleure copine de sa soeur montra ses premiers barrés à Olive, gaucher contrarié sur des guitares de droitier. «J'ai appris de cette manière et j'ai toujours joué comme cela», expliquait-il en juin. «Il avait un côté attachant, enfantin, hyperfragile, et jouait là-dessus, se souvenait à la même époque Enzo Enzo dans le Monde. C'est un fou, un rêveur : il fallait ça pour monter un groupe avec deux filles qui ne savaient pas jouer, et écrire des textes qui parlaient de sexe et de drogue sans que ça se voie.»
Paria. En 1979, avec la future Enzo Enzo à la basse et Violaine à la batterie, Olive fonde Lili Drop en associant le diminutif de son prénom avec la contraction de poudre en verlan. Eye-liner et cheveux gominés, il a une belle touche de garçon moderne. Un dandysme que ne possède pas la concurrence, Bijou ou Starshooter. En cinq ans de carrière, Lili Drop publiera deux 33 tours (Monde animal, N) et quelques refrains obsédants (T'oublier, Tartine Breakfast, et surtout le tube générationnel «nouvelle vague» Sur ma Mob). Un concert sabordage au Printemps de Bourges précipitera la fin du trio.
Après avoir participé au projet Chanteurs pour l'Ethiopie de son amie Valérie Lagrange, Olive se découvre séropositif en 1985. Il entame dès lors une carrière solo, certes erratique mais loin d'être déshonorante, avec le 45 tours Beaux Bronzés produit par Richard Kolinka. Suivent d'autres simples (1+1), un album (Ouf) et une reprise hommage de Jad Wio (Vivant, sur l'album collectif Entre sourire et larmes). Comme Daniel Darc après Taxi Girl, Olive, à force de s'approcher des prises de courant, est devenu une sorte de paria pour le show-business. Mais il n'est jamais trop tard. Des années après avoir voulu se marier aux Etats-Unis, il épouse en 1991 Marion, copine de fêtes. Ils donnent naissance à Lucas en 1996 et partent pour le Pays basque. Quand Olive remontera à Paris, ce sera pour se sevrer. «Je ne voulais même plus qu'on m'appelle Olive, absolument plus entendre parler de tout ça.»
Studio. Ces dernières années, on le croisait à des concerts de Marianne Faithfull (managée par son vieil ami François Ravard) ou au prix Constantin (en hommage à son découvreur Philippe), tout effacé dans sa grosse doudoune. Il vivait dans un studio près du Bus Palladium avec pas grand-chose. Vingt ans après la dissolution, il s'était décidé à reformer Lili Drop. Sous le nom hasardeux de Lovliv Reload, un concert eut lieu le 15 juin 2005 au Point Ephémère. En attendant la réédition des albums du groupe ?
Mort à 50 ans du leader du groupe Lili Drop, figure des années 80.
par Ludovic PERRIN
QUOTIDIEN : jeudi 19 janvier 2006
Jean-Louis Aubert lui avait dédié son dernier album. Sans Olive, mort dans la nuit de lundi d'une tuberculose à la Pitié-Salpêtrière, le chanteur de Téléphone n'aurait pas eu la même carrière. Ni pris les mêmes risques. Olive l'avait initié aux voyages, aux communautés hippies, aux drogues et à toutes les conneries que peuvent faire deux anciens scouts. Ensemble, ils avaient découvert les Who (Tommy, au théâtre des Champs-Elysées), traversé les Etats-Unis en stop, connu des filles et des sectes, monté le groupe Masturbation, répété avec Antoine de Caunes (alors batteur) et lancé les bases de Téléphone.
«Enfantin et hyperfragile». Né le 4 décembre 1955 à Londres, Olivier Caudron a très tôt dansé au bord du gouffre. On le disait ingérable. Il fut un lien fort de la scène rock française, une sorte de passerelle. Et sa voix, fluide, innocente, juvénile était juste comme son teint pâle : au plus près de lui. Un gamin élevé par ses grands-parents maternels, qui croisa à 20 ans seulement son père, paraît-il un Vietnamien légèrement barbouze. Sa mère, elle, était étalagiste décoratrice chez Hermès. Le week-end, ils quittaient leurs bords de Seine à Neuilly (Bagatelle). Elle emmenait son fils sur une péniche d'amis, avec carabines et guitares flamencas. Elle lui enseignait le piano. Or c'est la guitare qui l'a emporté.
La meilleure copine de sa soeur montra ses premiers barrés à Olive, gaucher contrarié sur des guitares de droitier. «J'ai appris de cette manière et j'ai toujours joué comme cela», expliquait-il en juin. «Il avait un côté attachant, enfantin, hyperfragile, et jouait là-dessus, se souvenait à la même époque Enzo Enzo dans le Monde. C'est un fou, un rêveur : il fallait ça pour monter un groupe avec deux filles qui ne savaient pas jouer, et écrire des textes qui parlaient de sexe et de drogue sans que ça se voie.»
Paria. En 1979, avec la future Enzo Enzo à la basse et Violaine à la batterie, Olive fonde Lili Drop en associant le diminutif de son prénom avec la contraction de poudre en verlan. Eye-liner et cheveux gominés, il a une belle touche de garçon moderne. Un dandysme que ne possède pas la concurrence, Bijou ou Starshooter. En cinq ans de carrière, Lili Drop publiera deux 33 tours (Monde animal, N) et quelques refrains obsédants (T'oublier, Tartine Breakfast, et surtout le tube générationnel «nouvelle vague» Sur ma Mob). Un concert sabordage au Printemps de Bourges précipitera la fin du trio.
Après avoir participé au projet Chanteurs pour l'Ethiopie de son amie Valérie Lagrange, Olive se découvre séropositif en 1985. Il entame dès lors une carrière solo, certes erratique mais loin d'être déshonorante, avec le 45 tours Beaux Bronzés produit par Richard Kolinka. Suivent d'autres simples (1+1), un album (Ouf) et une reprise hommage de Jad Wio (Vivant, sur l'album collectif Entre sourire et larmes). Comme Daniel Darc après Taxi Girl, Olive, à force de s'approcher des prises de courant, est devenu une sorte de paria pour le show-business. Mais il n'est jamais trop tard. Des années après avoir voulu se marier aux Etats-Unis, il épouse en 1991 Marion, copine de fêtes. Ils donnent naissance à Lucas en 1996 et partent pour le Pays basque. Quand Olive remontera à Paris, ce sera pour se sevrer. «Je ne voulais même plus qu'on m'appelle Olive, absolument plus entendre parler de tout ça.»
Studio. Ces dernières années, on le croisait à des concerts de Marianne Faithfull (managée par son vieil ami François Ravard) ou au prix Constantin (en hommage à son découvreur Philippe), tout effacé dans sa grosse doudoune. Il vivait dans un studio près du Bus Palladium avec pas grand-chose. Vingt ans après la dissolution, il s'était décidé à reformer Lili Drop. Sous le nom hasardeux de Lovliv Reload, un concert eut lieu le 15 juin 2005 au Point Ephémère. En attendant la réédition des albums du groupe ?