Une excellente vidéo sur l'environnement culturel du groupe allemand. Un angle de vision précis.
http://www.arte.tv/fr/Videos-sur-ARTE-TV/2151166,CmC=2922042.html?tab=tab3&page=11&sort=1&ascending=false
Résumé
« Une Saucisse dans ta choucroute », « Guerre éclair au fusil de chair »... après trois ans de pause, Rammstein, ex-groupe punk de RDA, ne fait toujours pas dans la dentelle. Le clip de leur single « Pussy » est une vidéo classée X qui n’est visible ni sur MTV, ni sur Dailymotion, ni sur Youtube, mais seulement sur un portail porno. Malgré cette restriction, le succès est au rendez-vous. Au cours des deux premières semaines, la vidéo a été visionnée 10 millions et demi de fois. Et le single s’est classé d’emblée en tête des charts allemands. Chez eux, la provoc, c’est une seconde nature, et ils ont trouvé, une fois de plus, le moyen de faire parler d’eux.
Christoph Schneider : « Aujourd’hui, avec la musique, tu ne fais plus peur à personne. Il n’y a plus de provoc possible. Tout a déjà été fait. La dernière tendance à avoir fait bouger un peu les choses, ça a été la techno. Et donc là, on a peut-être trouvé le dernier tabou qu’il restait à briser ». Un clip porno pour vendre de la musique, mais pourquoi autant de provoc ? Les membres de Rammstein eux-mêmes sont bien incapables de répondre à cette question... Depuis le début, Rammstein divise les opinions. Pour les uns - le plus souvent des critiques allemands-, le groupe est un ramassis de provocateurs qui font de l’argent en mettant en musique les faits divers sordides de la presse à sensation. Pour les autres - leur communauté mondiale de fans-, Rammstein sont des dieux vivants. Quoi qu’il en soit, avec 15 millions d’albums et autant de places de concerts vendus Rammstein semble viser juste, et cible un public avide de ce mélange de violence et de sombre romantisme.
Pour comprendre le phénomène Rammstein, il faut revenir plus de 20 ans en arrière, en Allemagne de l’est, avant la chute du Mur. Les six membres de Rammstein sont originaires de la RDA, où ils ont fait leurs débuts dans le milieu punk underground. Trois d’entre eux, le guitariste Paul Landers, le claviériste Flake et le batteur Schneider, ont commencé à jouer ensemble au sein de Feeling B, En tant que groupe punk, ils étaient surveillés en permanence par la Stasi, mais paradoxalement, ils avaient davantage de liberté qu’aujourd’hui. Car il n’y avait ni les médias, ni internet pour disséquer et commenter la moindre de leurs sorties.
Après la chute du Mur, les membres du groupe mettront 5 ans à s’adapter au changement de régime. En 1994, ils créent Rammstein selon un concept simple. Flake : « On ne voulait rien. On savait ce qu’on ne voulait pas. On ne voulait être ni un groupe de rock est-allemand, ni un groupe ouest-allemand qui ferait de la musique anglaise. Et on a réussi à n’être ni l’un ni l’autre ». Dès le premier album, le groupe Rammstein et son premier single du même nom, échauffent les esprits. A-t-on le droit de chanter et se produire comme ça ? Certains critiques iront jusqu’à les traiter de nazis. Surpris par la virulence des critiques qui s’abattent sur eux, les musiciens du groupe décident de limiter leurs interviews et se retirent loin des médias. Nazis, ils ne le sont pas mais paradoxalement, le soupçon a suffi pour asseoir leur notoriété. Malgré un succès croissant à l’étranger, les membres de Rammstein ont dû apprendre qu’un groupe ne fait pas forcément ce qu’il veut lorsqu’il est allemand.
Paul H. Landers : « On a toujours fait comme si l’Allemagne était un pays comme les autres. Comme la Hongrie, par exemple. Mais ce n’est pas le cas. Et il faut faire avec. Il y a eu la guerre, il y a eu toutes ces horreurs et l’Allemagne n’a pas encore digéré. Nous avons essayé d’ignorer tout ça, mais ce n’est pas possible. Et on ne l’accepte toujours pas ». Une prise de conscience qui ne les détourne pourtant pas de leur fibre provocatrice. Rammstein est probablement le seul groupe au monde à avoir fait une chanson sur l’histoire du « Cannibale de Rothenbourg ». En 2001 deux hommes se donnent rendez-vous via internet. L’un deux, Armin Meiwes, tue et dévore l’autre, avec son consentement. Tant de provocation assumée agace et séduit à la fois. Un autre facteur du succès est certainement le spectacle offert sur scène, opulent et captivant, avec lance-flammes, effets spéciaux et de nombreux costumes. Même si pour les membres du groupe, ce n’est pas sans danger.
Mais à force de jouer avec les tabous, le groupe fait parfois oublier son côté sombre et romantique, un héritage de ses origines. Pour Christoph Schneider, « c’est lié à notre vie à l’est. En Allemagne de l’est, tout était sombre et gris. Et les choses se passaient dans le secret. En plus, c’était les années 80. C’est là que cette musique est apparue, le gothic, la wave, les groupes comme Bauhaus ou Einstürzende Neubauten. Ce n’était pas uniquement un phénomène est-allemand. Ça nous a forcément inspirés et on a essayé de vivre ça à notre façon, en RDA ». Rammstein n’aurait jamais existé en RDA. Mais sans la RDA, non plus. A la fois naïf et provocateur, sombre et drôle, sans compromis et un brin commercial, seul un groupe d’ex-punks de l’est pouvait à ce point secouer durablement la scène musicale allemande.