Travelling Guitars à la Cité de la musique, parc de la Villette, Paris. Jusqu'au 14 janvier 2007. www.cite-musique.fr
[extraits de l'article de Libération du 6 octobre 2006]
Une bien belle expo, vachement pensée et tout. Mais le fait est qu'à peine débarqué, on fonce droit se planter devant la Fender Stratocaster que Jimi Hendrix a abandonnée à moitié cramée, le 31 mars 1967, sur la scène de l'Astoria de Londres, et que Frank Zappa a récupérée pour la faire retaper... D'autres iront directement communier devant la Selmer n° 503 de Django Reinhardt, modèle 1940, dernière guitare sur laquelle ait joué le maître. Ou bien se pâmer devant la Telecaster très bricolée, avec un micro Gibson monté près du manche, que John Lennon a utilisée lors de sa dernière apparition sur scène, le 28 novembre 1974 au Madison Square Garden de New York (prêt de Yoko Ono).
Arme. Tout projet muséographique sur la guitare est vite confronté à la notoriété de ceux qui tenaient le manche, invasive jusqu'à faire passer l'instrument au second plan. Or, c'est précisément parce qu'ils tenaient le manche que ces gens-là sont devenus célèbres. Voilà qui résume bien la guitare contemporaine : un vecteur de mythes, une excroissance instrumentale, un membre supplémentaire, plutôt du genre masculin. Le piano et le hautbois ne font pas cet effet-là. La guitare est une arme aussi : «This machine kills fascists» est un slogan que Woodie Guthrie inscrivait en grosses lettres sur ses instruments; tandis que Hendrix convertissait des Strats de modèle courant en robustes mitrailleuses.
...De fait, l'essentiel de l'entreprise consiste à présenter une histoire de l'instrument, de son «invention», à la fin du XVe siècle au sud de l'Espagne, jusqu'aux plus récentes guitares électriques.
C'est fait sans chichis : le long des murs de la salle d'exposition sont déployées, dans un ordre chronologique, des dizaines d'instruments provenant du musée de la Musique, du musée des Musiques populaires de Montluçon et de collections privées. En sus, deux podiums tournants au centre de la salle abritent des instruments ayant appartenu à Brassens, Pete Townshend (The Who), Berlioz, Ali Farka Touré, Bashung, Jimmy Page, Mathieu Chedid, Donovan (joli modèle peint par John Byrne), Bruce Springsteen, Marc Ducret, Noel Gallagher, John McLaughlin et plein d'autres.
...
Répétition. Jimi Hendrix n'a pas brûlé tant de guitares que ça. Emma Lavigne en a scientifiquement recensé trois, d'autres vont jusqu'à cinq. Toutefois, il est certain que celle de l'Astoria fut la première à chauffer. Le Jimi Hendrix Experience, pas follement connu au printemps 1967, passait en première partie des Walker Brothers et le gaucher américain s'était laissé convaincre que brûler sa Strat serait un moyen supplémentaire de se faire remarquer. Une répétition fut même faite en coulisses. Cat Stevens, présent ce soir-là, avait trouvé ça plutôt original. Mais cela signifiait surtout que la guitare était vraiment devenue un objet de grande consommation, alors que, précise doctement Joël Dugot, «jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, c'était plutôt un instrument de l'aristocratie» .
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[extraits de l'article de Libération du 6 octobre 2006]
Une bien belle expo, vachement pensée et tout. Mais le fait est qu'à peine débarqué, on fonce droit se planter devant la Fender Stratocaster que Jimi Hendrix a abandonnée à moitié cramée, le 31 mars 1967, sur la scène de l'Astoria de Londres, et que Frank Zappa a récupérée pour la faire retaper... D'autres iront directement communier devant la Selmer n° 503 de Django Reinhardt, modèle 1940, dernière guitare sur laquelle ait joué le maître. Ou bien se pâmer devant la Telecaster très bricolée, avec un micro Gibson monté près du manche, que John Lennon a utilisée lors de sa dernière apparition sur scène, le 28 novembre 1974 au Madison Square Garden de New York (prêt de Yoko Ono).
Arme. Tout projet muséographique sur la guitare est vite confronté à la notoriété de ceux qui tenaient le manche, invasive jusqu'à faire passer l'instrument au second plan. Or, c'est précisément parce qu'ils tenaient le manche que ces gens-là sont devenus célèbres. Voilà qui résume bien la guitare contemporaine : un vecteur de mythes, une excroissance instrumentale, un membre supplémentaire, plutôt du genre masculin. Le piano et le hautbois ne font pas cet effet-là. La guitare est une arme aussi : «This machine kills fascists» est un slogan que Woodie Guthrie inscrivait en grosses lettres sur ses instruments; tandis que Hendrix convertissait des Strats de modèle courant en robustes mitrailleuses.
...De fait, l'essentiel de l'entreprise consiste à présenter une histoire de l'instrument, de son «invention», à la fin du XVe siècle au sud de l'Espagne, jusqu'aux plus récentes guitares électriques.
C'est fait sans chichis : le long des murs de la salle d'exposition sont déployées, dans un ordre chronologique, des dizaines d'instruments provenant du musée de la Musique, du musée des Musiques populaires de Montluçon et de collections privées. En sus, deux podiums tournants au centre de la salle abritent des instruments ayant appartenu à Brassens, Pete Townshend (The Who), Berlioz, Ali Farka Touré, Bashung, Jimmy Page, Mathieu Chedid, Donovan (joli modèle peint par John Byrne), Bruce Springsteen, Marc Ducret, Noel Gallagher, John McLaughlin et plein d'autres.
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Répétition. Jimi Hendrix n'a pas brûlé tant de guitares que ça. Emma Lavigne en a scientifiquement recensé trois, d'autres vont jusqu'à cinq. Toutefois, il est certain que celle de l'Astoria fut la première à chauffer. Le Jimi Hendrix Experience, pas follement connu au printemps 1967, passait en première partie des Walker Brothers et le gaucher américain s'était laissé convaincre que brûler sa Strat serait un moyen supplémentaire de se faire remarquer. Une répétition fut même faite en coulisses. Cat Stevens, présent ce soir-là, avait trouvé ça plutôt original. Mais cela signifiait surtout que la guitare était vraiment devenue un objet de grande consommation, alors que, précise doctement Joël Dugot, «jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, c'était plutôt un instrument de l'aristocratie» .
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