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Le nouvel album de Julien Doré rejoindra «ce que l'on faisait dans les années 1960, où ce n'était pas des chansons à voix. Je ne pense pas être un chanteur dans ce sens-là.» Comme Gainsbourg
Le nouveau single de Julien Doré, «Les limites», est sorti récemment. Il annonce le premier album du gagnant de la dernière «Nouvelle star», qui sortira en juin prochain et dont nous avons pu écouter six titres en avant-première. Il sera formidable et Julien Doré nous en a parlé. Interview
Karine Vouillamoz - le 26 avril 2008, 16h59
Le Matin Dimanche
Il n'y en a pas deux comme lui. Adoubé par Les Inrockuptibles, invité tout récemment de «Taratata», Julien Doré a changé l'image des artistes issus de la télé-réalité. Avec ses reprises réussies de titres improbables («Moi, Lolita» d'Alizée, «Les bêtises», de Sabine Paturel), le chanteur a marqué un grand coup. Aujourd'hui, l'effet Julien Doré se fait sentir dans «Nouvelle star». Finies les «chanteuses à voix» fans de Céline Dion. Le nouveau panel gratte la guitare et se reconnaît davantage en Franz Ferdinand qu'en Mariah Carey.
De son côté, Julien Doré peaufine son premier album, «Ersatz», dont la sortie est prévue pour le 12 juin prochain. Histoire de patienter, un premier single, intitulé «Les limites», est déjà chez les disquaires. Donne-t-il une impression exacte de ce que sera ce CD? Pour le savoir, Le Matin Dimanche est allé écouter, en exclusivité, six autres titres de cet album très attendu.
Dès la première écoute, une évidence s'impose: la voix n'est pas mise en avant. Les arrangements musicaux sont tout aussi importants que la voix de l'interprète. Sur «Bouche pute» ou «Les figures imposées», il faut tendre l'oreille pour saisir le sens des mots. Julien Doré ne fait pas dans la démonstration vocale et finalement il rejoint ainsi l'école des années 1960, celle de Serge Gainsbourg en particulier. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la seule reprise de ce futur album est un de ses titres méconnus, «SS in Uruguay», qui est tiré de l'album «Rock Around The Bunker». Julien Doré nous en parle.
Vous venez de sortir un premier single, «Les limites». Jusqu'à quel point est-il autobiographique?
Il est surtout lié à ce que je me figure de la notion de single. L'idée du single me fait chier. Ce titre-là est un peu court, léger, comme ce qui se faisait dans les années 1960. Il y a une cohérence avec la voix qui trace sans effet, sans essayer de trop séduire. Avec l'attente qu'il y avait sur moi, je craignais la manière dont j'allais être traité, avec le premier son envoyé. Du coup, ce titre n'a rien à voir avec les autres morceaux. Ça m'amuse. On va croire que tout l'album est comme ça, alors que justement non. Et ça rejoint ce que l'on faisait dans les années 1960, où ce n'était pas des chansons à voix. Je ne pense pas être un chanteur dans ce sens-là. C'est pour ça que je fréquente Christophe ou Arno. Ils détestent cette notion de chanteur. Imaginer ma voix comme un instrument, c'est plus défendable.
C'est pour ça que la voix n'est pas mise en avant sur les titres de ce futur album?
La voix, ce n'est pas la performance absolue pour faire comprendre aux gens que c'est chanté. Sur la plupart des morceaux, c'est plus calme et mesuré. Et je déteste la variété qui consiste à mettre la voix devant les arrangements. J'essaie de m'éloigner de ça pour ne pas être un chanteur de variété. Je n'aime pas la notion de variété, ni celle de chanteur. J'aime ce qu'on a trouvé avec les musiciens et réalisateurs de l'album. Je voulais protéger cela, car c'est plus proche de mon univers.
Votre prochain album s'intitulera «Ersatz». A quoi fait-il référence?
Son synonyme français, c'est succédané. Ça me faisait marrer, mais je n'avais pas tellement envie de l'utiliser au premier degré. C'était un mauvais jeu de mots à la Laurent Ruquier. Ersatz, c'est ce que vit un artiste dans la société actuelle, le fait d'être traumatisé par des chefs-d'oeuvre, de ne plus être dans la possibilité de créer de nouvelles formes, un nouveau langage musical.
Avez-vous eu une liberté totale pour cet album?
J'avais tellement ouvert ma gueule pendant l'émission que la pression a été égale à zéro. J'ai bossé avec les gens que je voulais, j'ai eu beaucoup de chance.
Y a-t-il des reprises?
Oui, il y en a une de Gainsbourg, «SS in Uruguay», tiré de l'album «Rock Around The Bunker». Mais cette chanson est si peu connue qu'on aurait pu croire que c'était la mienne.
Suivez-vous régulièrement «Nouvelle star»?
Comme un mec qui vient de finir son album, qui bosse sur la pochette, il se trouve que, de temps en temps, le mercredi soir, je regarde l'émission comme un téléspectateur normal. Ça me fait bizarre de voir que ça a recommencé. J'aime bien Philippe Manoeuvre, je le trouve fidèle à son cliché, à son personnage, mais, au moins, il n'essaie pas de se prendre pour un autre. Ce qui n'est pas le cas de tous les membres du jury. Les candidats, je les ai rencontrés, ils sont cool et simples.
N'avez-vous pas la sensation d'avoir crédibilisé «Nouvelle star» avec votre victoire de l'an dernier?
Peut-être, mais ce n'est pas forcément bon signe. Cette année, il y a plein de gars qui font du rock et, ce qui m'embête, c'est que je ne sais pas si ça sert l'émission. L'année dernière, il y avait pas mal de diversité. Avec les chansons, on pouvait toucher ma mère, ma grand-mère ou mon pote des beaux-arts. C'est ce qui fait le succès de l'émission, c'est cette diversité-là. Elle rattache plein de gens en France, elle est crédible et agréable à regarder. Si tout le monde fait du Johnny Cash ou du Bob Dylan, c'est moins marrant. Cette année, on a un peu l'impression qu'ils sont tous de la même famille. C'est ce qui m'ennuie, mais je ne suis qu'un téléspectateur.
Vous allez partir en tournée dès cet été. Ça ressemblera à quoi, Julien Doré sur scène?
C'est trop tôt pour le dire. Là, je bosse pour les premiers showcases qu'on va faire. Mais ça va être cool, il va y avoir des blagues, de la musique, ça va être top. Ce sera aussi bien que «Starmania».
Single «Les limites», distr. Sony BMG.
Dans les bacs le 12 juin: «Ersatz», distr. Sony BMG.
Un «Ersatz» plus osé et de haute qualité
Oubliez tout ce que vous avez entendu de Julien Doré pour vous immerger dans son univers. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. «Ersatz», que vous écouterez en juin, a cette saveur-là, celle d'un chanteur compositeur de (bon) goût, avec un vrai sens mélodique. Julien Doré détermine son paysage musical dès le titre «Bouche pute», superbe plage de près de cinq minutes aux accents folk-rock, avant de laisser le morceau éclater dans un instrumental très cinématographique.
«Acacia», accompagné à la voix par la chanteuse de Cocoon, n'aurait pas été renié par la nouvelle garde de la folk américaine.
Le poétique «Les figures imposées», très Art Mengo dans l'âme, rejoint dans l'esprit un «Piano lys» cabossé, parsemé d'éclairs électriques. Il faut ajouter à ces titres-là une reprise, signée Gainsbourg, de «SS in Uruguay». Et un duo avec une personnalité très attachante, Arno.
Ne vous attendez donc pas à retrouver JP Nataf, Bashung ou Cantat au générique de cet «Ersatz». Non pas que Julien Doré ne souhaite pas travailler avec eux, mais ce ne sont que des rumeurs.
Ces six titres reflètent-ils finalement ce prochain album? «Oui, globalement, c'est des morceaux que j'ai écrits. Il y a des titres un peu plus détachés, plus folk, d'autres plus retenus dans le texte. Cet album est assez homogène», conclut Julien Doré. Verdict public? Le 12 juin.
Le lien pour écouter
http://www.myspace.com/juliendoremusic